Mis au jour par François Avril lors de l’exposition consacrée à Jean Fouquet en 2003 (Paris BnF, 25 mars-22 juin 2003), le Maître du Boccace de Munich est désormais reconnu comme l’un des artistes majeurs ayant œuvré à Tours durant la seconde moitié du XVe siècle. Sa collaboration étroite avec Jean Fouquet, et avec ses collaborateurs comme Jean Bourdichon ou d’autres enlumineurs demeurés anonymes, au sein de manuscrits prestigieux ont conduit François Avril à proposer d’y reconnaître l’un des fils du grand peintre. La connaissance et la compréhension profondes de l’œuvre de Fouquet par l’enlumineur témoignent en effet de leurs relations étroites que l’historien de l’art a relié à la mention du jurisconsulte Jean Brèche qui, vers 1553, cite « Jean Fouquet et ses fils, Louis et François » parmi les artistes les plus célèbres de la ville de Tours. Établissant dès lors l’existence d’un atelier Fouquet dans lequel l’un de ses fils aurait été actif à partir de 1460 après une probable formation parisienne suivi d’un séjour en Italie, François Avril a profondément renouvelé le regard porté sur l’œuvre de Jean Fouquet et inventé une nouvelle personnalité artistique tourangelle.
Nommé d’après le manuscrit du Des cas des nobles et femmes de Boccace conservé à Munich (Bayersische Staatsbibliothek, Cod. Gall. 6) dont il réalise vers 1460-1465 la totalité du cycle (90 enluminures) excepté le frontispice due à Jean Fouquet (f. 2v), l’enlumineur est l’auteur de nombreuses images appartenant à des manuscrits produits dans le cercle de son maitre. Il faut ainsi relever sa collaboration répétée avec le jeune Jean Bourdichon dans les manuscrits des Antiquités judaïques et De la guerre des juifs (BnF, MS Fr 247 et NAF 21013) peint vers 1470, dans le Tite-Live de Versailles (BnF, MS Fr. 273-274) daté des années 1470-1475, et dans le Tite-Live de Rochechouart (BnF, MS Fr20071) de 1475-1480.
Le style du Maître de Boccace relève d’une familiarité avec l’œuvre de Jean Fouquet dont les schémas de composition sont utilisés comme autant d’emprunts et de citations. Peuplés de personnages plus lourds et massifs que ceux de son maître, ses enluminures révèlent une palette plus sombre et peu intense, une touche moins fluide et une absence de camaïeu d’or. On y relève également dans le Boccace de Munich et dans les Antiquités judaïques des emprunts à certaines compositions de Colin d’Amiens, grand peintre parisien chez qui il aurait pu passer quelques années de sa formation. Ses dernières œuvres, datées des années 1475-1480, laisse supposer qu’il disparut dans les mêmes années que son père ce qui mit fin à l’atelier Fouquet en laissant toute la place à celui de Jean Bourdichon qui hérita ainsi du titre de peintre du roi.